Les vacances chez Mémé Râleuse

Publié le 23 Juillet 2015

J'ai la grande chance d'avoir des grands-parents encore en vie, malheureusement, ils habitent loin, très loin : dans un tout petit village de cinquante habitants, où on roule encore les "r" quand on parle, et où l'on glisse quelques mots de patois occitan pour ponctuer ses phrases.

Si je passais facilement un mois entier chez eux quand j'étais gosse, maintenant avec les mômes, je reste une semaine, et c'est amplement suffisant. Il faut avouer que malgré tout le plaisir que j'ai à les retrouver, la cohabitation est un peu difficile.

- La barrière de la langue :

Si chez Mémé Râleuse on met du patois partout, chez les mômes, on met des mots bretons partout. Et donc, tous les ans, j'ai droit au laïus de ma grand-mère sur le très mauvais niveau de langage de mes enfants, sur leur prononciation bizarre (mais quang mêmeuh, ils avalent touteuh les syllabeuh, il te faudrait les emmener chez un médecing (cong) )

Pourtant, quand le grand Môme raconte sa chute à vélo, ça me paraît tout à fait compréhensible : " Bah on était grave à la bourre, alors on a scarsé dans les ribines, et mon vélo est parti à dreuz. Je me suis vautré et j'ai draillé ma bécane, et en plus j'ai pris une châtaigne avec le pôtr-saout. J'ai douillé ! Et chuis rentré à pied comme un poquès, avec mon vélo bon pour la jaille."

Tu l'as compris, pendant une semaine, je me transforme en interprète Finistérien-Carcassonnais, ça demande une certaine gymnastique intellectuelle.

- La nourriture :

Mémé Râleuse est très autoritaire, et il n'est pas question que l'on s'immisce dans sa cuisine. Pas même un orteil. Pas même la vinaigrette de la salade. Si tu ne fais ne serait-ce que la suggestion de filer un coup de main, tu risque le coup de louche en pleine face, avec la terrible question "C'est pas bon, ce que je te prépare ?". On est pourtant nombreux à pouvoir prendre un peu la relève et la soulager de la préparation des repas : j'ai une tante qui habite chez eux, il y a ma sœur qui vient en même temps que moi, les cousines qui habitent en face ... Non, non, non, personne ne se mêle des repas. Ma grand mère prépare des quantités gargantuesques, et gare à nous si on ne mange pas tout. Elle a une punition très spéciale : elle met les restes au frigo (ou pas d'ailleurs), sans emballage (le papier alu, le film plastique, c'est pour les bourgeois de la ville), et elle nous les ressert, non pas le lendemain, eh, ce serait trop facile ! Non, elle les ressert 5 jours plus tard, histoire que ça ait bien faisandé. Maintenant que j'ai compris son mode de fonctionnement, je mange à m'éclater la panse les deux premiers jours de mon séjour, après je m'en fous, les restes seront mangés quand je serai repartie, ha !

Pour ce qui est de l'équilibre alimentaire, on repassera, on est en vacances, donc on fait plaisir aux enfants, donc on mange des pâtes et des patates en priorité, et trois desserts à chaque repas (les fruits, le laitage, le gâteau). Et t'as pas intérêt à refuser sous prétexte que t'as plus faim, sinon tu risques de prendre un taquet dans les gencives. Il y a deux ans j'avais pesé le grand Môme au début et à la fin de la semaine : 2 kilos pris en une semaine !!!

Mais à côté de ça, Mémé Râleuse a toujours un mot gentil pour les personnes en surpoids " La grosse molasse" "bah, quel horreur ce gros tas, regarde comme il transpire !" Une fois je me suis risquée à dire "Oh ben le pauvre, il a dû avoir une mémé qui l'a forcé à manger à tous les repas." Oh pétard, j'ai eu droit à une tronche de trois pieds de long pendant tout le reste de la semaine.

- Les horaires :

Chez Mémé Râleuse on doit respecter l'horaire des jeux de l'après-midi (Les chiffres et les lettres, Question pour un champion, et le nouveau : Slam ). C'est à dire que de 16h30 à 19h c'est SILENCE ABSOLU, (mémé est dure de la feuille). Autrement dit, j'ai intérêt à dégager loin avec les mômes, parce-que le silence, c'est un concept qui les dépasse complètement.

- l'éducation des enfants :

Tu l'auras compris, chez Mémé, l'éducation c'est Old School. Les bébés ça doit manger (beaucoup) à heure fixe, faire des siestes à heures fixes, dormir 12 heures par nuit. Les plus grands ça doit parler seulement quand on leur pose une question. Ca doit pas faire trop de bruit, pas trop déranger.

Cela dit, elle s'est un peu assouplie au fur et à mesure des visites de ses arrières-petits-enfants. pas de bol pour le Grand Môme, il a essuyé les plâtres. Et comme il est très grande gueule, même à 3 ans il voulait avoir le dernier mot et tenait tête à la Mémé. Et la Mémé elle aime pas ça, mais alors pas du tout. Donc j'ai du jouer les casques bleus pour éviter au môme de se prendre manger une baffe et éviter à la Mémé un AVC. C'était épuisant et je comptais les heures avant le retour en Bretagne. Bien sûr on m'a prédit que le Grand Môme serait un délinquant, un pourri gâté, invivable etc. Bon et puis finalement, il n'est pas pire que ses cousins, qui ont l'air sage comme ça, parce-qu' ils ne font pas de bruit, parlent très peu, mais qui ont en fait appris très tôt à tout faire en douce. Personnellement, et je ne dis pas ça par fierté maternelle, mais je préfère un grand couillon qui fait des bêtises bien flagrantes, qu'un petit sournois qui s'arrange pour que les autres morflent à sa place.

Le Petit môme, lui, a réussi à s'attirer les faveurs de Mémé en jouant la carte de la séduction. Il est seul des arrière-petits à venir spontanément faire des câlins et des bisous (doit avoir un sens de l'odorat sous-développé ce petit), du coup il pourrait jouer de la cornemuse pendant Questions pour un Champion, elle trouverait ça charmant.

Bref, tout ça pour dire qu'à la fin du mois d'août, je repars pour une semaine chez Mémé, avec un mélange d'appréhension et d'anticipation. il y aura une nouvelle petite cousine tout fraîche, j'ai cru comprendre qu'elle ne dormait pas en journée et ne mangeait pas beaucoup ... héhé la semaine s'annonce animée !